La révolution du temps choisi

La révolution du temps choisi

revolution-temps-choisi-blogRevenu garanti, autonomie et coopération

Telle est la magnifique triade visionnaire du philosophe André Gorz, militant de la fin du travail « emploi salarié », c’est à dire de l’emploi subordonné et rémunéré sur la base d’une valeur décidée par le capitalisme.

Pour Gorz, libre penseur d’une économie sociale et solidaire, la valeur du travail est avant tout la somme des trésors de créativité et d’intelligence individuelle ou collective que les êtres humains sont capables de réaliser et que le capitalisme est bien incapable de rémunérer. Pour autant, ce changement de paradigme se heurte à une économie encore vaniteuse qui continue de jurer par la croissance, même s’il est criant d’observer que seule une classe moyenne supérieure accède au sommet du salariat privé. A l’inverse, pour beaucoup, la simplicité va souvent de pair avec la modestie. Méditons un instant, en mémoire du discours de Robert Kennedy, quelques semaines avant sa mort, quand il dit : « Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »

Restons audacieux, plusieurs conditions doivent être réunies pour expérimenter ces nouveaux rapports au travail : la valeur du travail n’est plus appréciée par sa durée – à ce titre, les artistes n’expriment pas de revendications majeures sur le temps de travail. Le temps libre n’a plus le complexe de culpabilité dès lors que le travail est autonome, créatif et libéré du salariat subordonné. Des organisations collectives à l’instar des coopératives doivent continuer d’inventer de nouvelles règles du jeu pour innover socialement. Des politiques éclairées devront, à l’avenir défendre l’idée d’un revenu minimum définit comme un mécanisme distributif assurant un niveau de vie suffisant pour accéder aux biens et aux services essentiels. La nécessaire mise à jour d’un revenu garanti inconditionnel, qui se substituerait au maquis des allocations spécifiques (RSA socle, activités, ASS, ARE…) sans évidemment toucher aux cotisations qui financent notre système de protection sociale (sécurité sociale, indemnisation chômage, santé, retraite…) est- elle encore utopique ?

Fort heureusement, de nombreux projets sont déjà à l’oeuvre ici et maintenant dans notre nouveau monde en « transition », dans une économie qui bascule vers des développements harmonieux, organisés collectivement. Ces biens et services responsables, qu’on retrouve majoritairement dans nos Coopératives d’Activités et d’Emploi concernent autant des créations artistiques que des formes contributives de l’internet, des soins et services aux personnes aussi bien que des objets alimentés par des énergies renouvelables ou encore les produits d’une agriculture biologique… Ils soutiennent particulièrement un vrai travail, socialement plus utile à des producteurs vers des consommateurs ou usagers responsables, qu’une consommation « toujours plus », entretenue par l’épandage de pesticides, ou la fabrication de produits à jeter, liés à l’obsolescence programmée.

Enfin, l’esprit de la loi Economie Sociale et Solidaire qui reconnaît – soyons fiers – l’entrepreneur salarié associé en Coopérative d’Activités et d’Emploi – suggère qu’il est permis en partie de se soustraire du lien de subordination au profit d’un travail autonome, choisi et plus épanouissant en devenant co-entrepreneur.

Un certain nombre d’activités et de métiers – qu’on retrouve en dehors des CAE – permettent aussi de passer du temps avec ses enfants, de poursuivre d’autres projets sociaux, politiques, artistiques…, autant de symboles d’une richesse sobre, mais certainement heureuse.