Rendre compte de l’utilité sociale des CAE

Rendre compte de l’utilité sociale des CAE

Vers de nouveaux indicateurs d’impact

Les CAE, comme toutes les organisations bénéficiaires de financements publics, sont légitimement tenues de rendre compte de l’impact de leurs actions auprès de leurs partenaires financeurs. Cependant, les indicateurs le plus souvent utilisés (nombre de personnes, équivalents temps pleins, chiffre d’affaires) se révèlent insuffisants pour donner à voir l’ensemble des impacts d’une CAE.

Nous avons éprouvé le besoin de mesurer autrement ce que nous produisons, car il y a un fossé entre les indicateurs rendant compte de notre mission d’intérêt général et ce qui compte pour nous. Si on veut convaincre l’opinion publique qu’une CAE est le bon endroit pour le travail de demain, il faut aller vers des indicateurs qui parlent  à toute une population. Il est responsable de vouloir évaluer l’usage des deniers publics octroyés à notre projet d’intérêt général. N’est-il pas démocratique en effet de rendre des comptes aux citoyens ?

D’emblée, s’est profilée la méthode pour qualifier la vraie richesse de notre projet et de pouvoir l’interroger à travers l’évaluation.

Pour cette mesure d’innovation sociale, nous avons choisi avec les conseils et le soutien de la  direction économique de l’Eurométropole un indicateur alternatif : le SROI.

Cette méthode a consisté à réaliser une étude qualitative et quantitative des impacts sociaux de la coopérative, puis à valoriser monétairement ces impacts et les comparer avec l’investissement public injecté dans la structure – qui pour rappel est soutenue financièrement à 60% pour son fonctionnement par les pouvoirs publics au nom de l’intérêt général. À l’issue de ce travail, le SROI d’Artenréel a été évalué à 5,31€ pour 1€ dépensé par la collectivité.

Evaluer, c’est déterminer la valeur. C’est tout à la fois juger et mesurer, qualifier et noter. L’idée générale consiste tout de même à réduire et donc rationnaliser les dépenses publiques, à être certes plus austère mais aussi plus efficace, bref à faire mieux avec moins.

S’il est important que les pouvoirs publics puissent évaluer ce qu’une CAE apporte au territoire en terme de développement économique, rappelons que ce n’est pas parce qu’il y a calcul qu’il y a science. Nous avons écarté l’idée de donner une valeur scientifique à notre évaluation. Nous avons utilisé une méthode qui participe d’une démarche normative – il y a bien une mesure, qu’on étalonne, chiffre, compare – mais pourtant notre évaluation restera toujours discutable car il ne suffit pas qu’il y ait évaluation pour qu’il y ait solution – décider d’inventer, c’est aussi prendre le risque de se tromper. Etre évaluer, c’est aussi pouvoir évoluer.

Quel est le référentiel de l’évaluation, qu’est-ce qu’il a retenu, qu’est-ce qu’il évacue ? La démarche a été menée par les acteurs de terrain, les usagers, les professionnels qui étaient à la fois évaluateurs et évalués ; le SROI reflète ainsi la sécurisation des moins pourvus sur le versant économique. Cela  se traduit par une dotation individuelle d’autonomie et un sentiment d’appartenance à la communauté coopérative.

Pour être bénéfique, l’évaluation doit respecter et refléter la singularité des individus et la complexité du réel. Le fait d’individualiser les performances doit aussi préserver les bienfaits du travail collectif.

Si le terme «valeur», s’applique indifféremment à un bien, une prestation ou à un sentiment moral, c’est parce que l’homme fabrique et partage des valeurs, qu’elle soient matérielles ou morales. En réalité, l’échange de biens matériels est inséparable des interactions sociales et affectives.

En conclusion et afin d’aboutir ensemble à un ouvrage d’accordage et de finesse, l’évaluation démocratique, émancipatrice, devra poursuivre son travail qui consiste à mélanger la nécessité de l’excellence et le besoin de coopération au sens d’une revisite critique des actions passées. Le SROI Artenréel nous rappelle que si le souci de cohérence comptable et le bien-fondé méthodologique est essentiel, il est avant tout le résultat de choix politiques sur ce qui fait une économie saine et innovante portée par une CAE dans l’intérêt général de tou(te)s.