Artenréel vue par Francis Kern

Artenréel vue par Francis Kern

artenreel-vue-par-francis-kern-blogProfesseur en sciences économiques à l’Université de Strasbourg (Unistra), Vice-président des relations internationales à l’Unistra.

Vous êtes professeur de sciences économiques, mais aussi un observateur attentif, et un acteur engagé de l’economie sociale et solidaire, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

En 1999, j’étais administrateur du Pôle Européen d’Economie et de Gestion lorsque dans le cadre du contrat de plan Etat Région, nous avons créé en partenariat avec la Chambre de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS) un Observatoire régional sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Xavier Boos, qui était correspondant à l’économie sociale à la Préfecture de Région m’a aidé à construire un réseau d’acteurs afin d’organiser des forums et des échanges autour des initiatives liées à l’ESS. C’est l’époque du lancement de la CRESS où je dé- couvre de nouvelles formes de coopératives, même si en tant que militant, je connaissais déjà les SCOP à travers l’expérience de la Fonderie de la Bruche. Avec l’Observatoire nous avons organisé au PEGE une dizaine de rencontres et journées d’études, dont l’une sur l’histoire de la coopération et une autre sur les nouvelles formes de coopératives qui sont nées au début des années 2000, les SCIC et les CAE.

Cet observatoire s’appuyait alors sur la CRESS et le Bureau d’Etudes Théoriques et Appliquées, le BETA, un labo de recherche du CNRS. Dans notre labo avec la crise du fordisme nous avions travaillé sur les dynamiques d’innovations technologiques puis institutionnelles et socio organisationnelles comme autant de leviers de sorties de crise. Plus récemment en 2010, dans le cadre de l’Observatoire avec la CRESS, nous avons publié une étude qui a donné lieu à plusieurs rencontres au PEGE pour échanger avec les acteurs de l’ESS sur les enjeux de l’innovation sociale, qui est au cœur de la dynamique de l’ESS. L’ESS impulse des innovations sociales, qu’il s’agisse de l’auto partage, de nouvelles approches des services à la personne ou de l’insertion par l’économique, du commerce équitable, des AMAP…

Depuis huit ans, je suis président de COLECOSOL, une association qui a pour but de promouvoir en Alsace le commerce équitable, la consommation responsable et l’Economie Solidaire, je suis à ce titre, aussi administrateur de la CRESS.

Enfin l’existence de l’Observatoire a permis grâce à l’initiative de Josiane Stoessel de faire exister un master en IP de l’ESS à la Fonderie à Mulhouse qui est cohabilité, par l’ université de Haute Alsace et l’ université de Strasbourg où par la formation collaborent universitaires et acteurs professionnels. L’Alsace est donc un territoire très fortement doté du côté de l’Economie Sociale et Solidaire, d’autant qu’on peut ajouter à ce paysage les CAE.

Quel est Votre regard en tant que chercheur en économie sur l’organisation du travail aujourd’hui et les solutions proposées par les cae ?

Comment concevoir une société où l’on peut partager le travail et ne pas subir un travail contraint ? Le partage du travail semble être la seule manière de lutter contre le chômage, même si depuis 2002, la réduction du temps de travail subit des attaques en règle permanentes. En réduisant le temps contraint, on libère du temps créatif. La vraie vision de la société pour moi est celle où l’on arrête de produire pour produire, de consommer pour consommer, celle où l’on abaisse le temps de travail pour aller vers un temps de travail choisi, réduit ou non, c’est ce qu’on appelle la révolution du temps choisi. Je vous invite à ce sujet à lire Jean-Claude Moog Et si on réduisait le travail demain.

Je suis fasciné par les parties prenantes différentes que l’on trouve dans les SCIC, avec cette forme de gouvernance intéressante dans laquelle des usagers, des collectivités et des salariés se trouvent associés. Le principe est similaire dans les CAE où l’on est à la fois entrepreneur et sociétaire selon une vision positive où les entrepreneurs se soutiennent. Schumpeter est cet économiste autrichien, qui a vécu au début du XXème siècle et a dû fuir le nazisme en s’exilant aux USA, qui a proposé une définition de l’Entrepreneur qui innove non pas par le risque qu’il prend en investissant ses capitaux mais par le fait qu’il porte de nouvelles combinai- sons qui permettent de rompre avec les routines existantes dans la vie économique et professionnelle qu’il appelle innovation.

L’ESS permet de faire surgir des entrepreneurs collectifs dans les projets coopératifs et associatifs et des entrepreneurs sociaux porteurs d’innovations sociales.

De quelle manière envisagez-vous l’avenir du travail ?

Dans la réalité actuelle, on assiste à une précarisation du travail, avec la fin du CDI, l’augmentation du travail temporaire ainsi que de nombreuses souffrances repérées au travail. Il faut donc transformer cette précarisation du travail de manière positive en conciliant précarité et créativité, pour se faire il faut concevoir un contrat tout au long de la vie active qui pourrait avoir comme support l’allocation universelle. Philippe Van Parijs est ce philosophe et économiste belge qui a théorisé une solution originale pour réformer l’Etat providence, l’allocation universelle versée à tous de manière inconditionnelle toute au long de sa vie , elle permettrait entre autre de promouvoir les emplois à temps partiel choisi. On voit comment les SCOP et les autres regroupements coopératifs peuvent préfigurer d’une approche multi dimensionnelle du travail qui permette de concilier travail salarié contraint mais aussi responsabilité managériale et innovation collective.