Artenréel vue par Pierre Liret

Artenréel vue par Pierre Liret

artenreel-vu-par-pierre-lirretDirecteur du service emploi et formation de la Confédération des SCOP.

Pouvez-vous nous parler de la Confédération des SCOP et de votre métier au sein de cette structure ?

La Confédération des SCOP représente en France les sociétés coopératives et participatives (SCOP et SCIC), sa mission consiste à coordonner et animer le réseau des SCOP sur tout le territoire français, constitué de treize Unions Régionales et de trois fédérations de métiers (BTP, industrie, communication). Outre le rôle important de lobbying et communication, la Confédération produit trois types de services : un appui juridique, un appui financier avec des outils et un appui ressources humaines et formations. La priorité du mouvement des SCOP aujourd’hui consiste à développer des formations coopératives à destination des cadres dirigeants afin qu’ils puissent renforcer leurs compétences de manager coopératif, mais aussi à destination de tous les salariés des SCOP, potentiellement associés, ce qui suppose de comprendre les enjeux de la coopération. J’organise ces formations et je les mets en oeuvre avec des partenaires comme l’Université Paris Dauphine ou l’école coopérative de management COEPTIS à Montpellier, mais aussi avec les Unions Régionales des SCOP qui ouvrent des formations permettant de sensibiliser les salariés par rapport à leur place dans une coopérative, puis de les former plus spécifiquement au droit coopératif, à la gestion et à la connaissance du fondement du projet coopératif. Depuis le congrès des SCOP à Marseille en novembre dernier, nous développons une démarche d’accompagnement en ressources humaines des cadres dirigeants face à des situations émergentes.

Pouvez-vous nous parler du projet de livre que vous menez depuis quelques mois sur l’Alsace ?

Ce livre qui s’intitulera L’Alsace Coopérative cherche à montrer à travers des monographies dans différents secteurs, comment le modèle coopératif répond aux nouveaux défis de l’économie d’aujourd’hui. On parle actuellement beaucoup d’économie sociale et solidaire, mais le grand public la connaît peu et beaucoup d’idées reçues liées au passé de la coopération sont véhiculées à ce sujet dans les médias et auprès des décideurs. Je souhaite évoquer la modernité de ce projet en réponse aux problèmes économiques et sociaux de notre société. Je voudrais montrer comment le projet coopératif comme modèle en général d’une forme d’organisation économique apporte des bonnes réponses par rapport aux excès du capitalisme, un développement plus harmonieux entre l’économique et le social, entre euphorie et crises.

L’Alsace illustre bien ce propos, en tant que région frontalière de l’Allemagne souvent prise comme modèle idéal, elle est un terreau pour juger de la performance comparée entre les deux pays. L’Alsace est un petit territoire qui permet de regarder et d’analyser facilement comment se développe le tissu économique. Au plan coopératif, le territoire est idéal car il n’y a ni trop ni pas assez de coopératives. Avec la crise, il est intéressant de voir la dynamique des coopératives existantes et l’émergence des nouvelles. J’évoquerai dans ce livre par exemple les coopératives de transport avec Auto’autrement, d’habitat avec Habitat de l’Ill, de la culture avec Artenréel, de l’emploi avec Cooproduction, de transfert des associations avec Auport’unes.

Pourriez-vous de votre regard d’observateur extérieur nous parler d’Artenréel et de l’intérêt de cette coopérative ?

Artenréel est selon moi un projet tout à fait innovant, car le secteur culturel se caractérise souvent par une démarche individualiste où l’artiste est un créateur, qui a parfois de la difficulté à se professionnaliser pour ce qui concerne la conduite de sa carrière. De ce point de vue, Artenréel a créé une dynamique collective permettant à des artistes isolés de se professionnaliser et de grandir dans le temps. Cette CAE me paraît d’une très grande pertinence au sens où elle permet de transcender le clivage entre le public qui subventionne et les artistes qui en bénéficient ou qui n’en bénéficient pas. Face à cette extrême diversité au sein des artistes, Artenréel construit quelque chose de stable et de durable. Il faut savoir que les artistes les plus talentueux ne réussissent pas toujours, car sur le plan de la conduite professionnelle, certains artistes ne savent pas faire et doivent être aidés. Artenréel permet de favoriser cela. Je suis heureux que la France soutienne la culture, mais ce n’est pas bon que l’Etat apporte tout, et qu’ensuite les artistes soient livrés à eux-mêmes. Il y a aujourd’hui pléthore de l’offre artistique, comment distinguer les amateurs des professionnels ? Comment vivre de son métier d’artiste ? Artenréel nous montre bien qu’il faut diversifier son travail créatif et concevoir son art autrement que par la seule création pour le mettre au service de la formation, de l’animation, du soin ou du social. Vue de l’extérieur, la démarche d’Artenréel permettant de ne pas scinder son activité entre création et intervention-formation, me paraît très saine et à développer, elle transcende le clivage entre public et ultra-libéralisme pour se concentrer sur une approche privée organisée autour d’un collectif structuré et structurant.

Plus globalement au niveau de la confédération, on souhaite promouvoir le modèle des CAE dont Artenréel est un exemple qui s’illustre par son succès dans le secteur culturel. On cherche notamment à soutenir les regroupements coopératifs de CAE. À ce titre, Stéphane Bossuet a été sollicité au congrès des SCOP de Marseille en novembre dernier pour évoquer l’essor et la croissance qui se déploie dans ces structures.