Artenréel vue par Dominique Babilotte

Artenréel vue par Dominique Babilotte

dominique-babilotte-blogDominique Babilotte, vous êtes chanteur, auteur, interprète mais aussi gérant de la coopérative Avant-Premières dans les Côtes d’Armor et depuis le 1er janvier 2014, président du réseau Coopérer pour entreprendre.Pourquoi avoir fait ce choix dernièrement ?

J’ai la chance d’avoir une coopérative qui fonctionne bien avec des collègues qui sont autonomes, ce qui me laisse la possibilité de me tourner vers le réseau Coopérer pour Entreprendre (CPE). Depuis longtemps, je suis administrateur au sein du réseau, et à ce titre, j’ai travaillé à la labellisation des coopératives en 2010. Avec la loi sur l’ESS (économie sociale et solidaire), la reconnaissance du statut d’entrepreneur salarié arrive enfin, il faut donc passer à autre chose et se poser la question du devenir des CAE en France.

La loi sur l’ESS va faire naître beaucoup d’initiatives, ce qui m’intéresse est de savoir comment conserver au sein de notre réseau, une longueur d’avance, en matière d’innovation et de qualité de service. C’est une nouvelle étape dans un environnement considérablement modifié. Avec le CA, nous allons y mettre toute notre énergie, notre volonté, notre motivation pour continuer à
partager notre philosophie des CAE en France basée sur l’idée qu’elles ont une mission de service public, très bien défini dans notre Charte de réseau d’ailleurs. La loi va faire exploser le nombre des CAE, certaines auront des projets différents de celui qui fait sens à Coopérer, de celui des fondateurs des CAE. Les CAE de CPE doivent, pour la plupart atteindre des tailles critiques, notamment par la mutualisation comme le fait « Coproduction » par exemple. Elles doivent aussi demeurer dans le paysage comme des CAE exigeantes et professionnelles.

L’ambition des administrateurs de Coopérer est d’épauler les CAE dans ce challenge.

« Organiser des états généraux de la création d’activités culturelles et artistiques… Chiche ! »

Quel est votre regard sur Artenréel, une CAE dédiée au artistes et à la culture, née il y a bientôt dix ans, au milieu de toutes les autres CAE généralistes ?

Je viens de la culture, ma CAE s’appelle Avant-premières, j’ai toujours été ouvert à la culture et aux arts, des gens qui s’intéressaient à cette spécificité, ça ne pouvait que m’intéresser. Une coopérative généraliste peut difficilement suivre des projets d’artistes, car la culture demande des compétences et une technicité particulière. On n’accompagne pas une carrière d’artiste comme une autre carrière. à Avant-premières, on s’est cassé les dents avec l’accompagnement d’artistes à nos débuts. En milieu rural, c’est encore plus compliqué, il faut le soutien des communautés de communes et une complémentarité dans les disciplines représentées, travailler avec les lieux de diffusion… Qu’il y ait des CAE culture à Paris, Strasbourg, Nantes, Bordeaux, Marseille, cela fait sens, mais comment essaimer sur des territoires ruraux, la question reste entière. En 2007, Stéphane Bossuet est venu dans les Côtes d’Armor pour présenter les CAE culture, mais la mayonnaise n’a pas pris du côté des collectivités territoriales et des associations culturelles, qui ont eu peur d’être bousculées par la notion d’entrepreunariat que les CAE introduisent.

Que peut apporter Artenréel dans le réseau en termes de compétences et quelle est sa place dans l’essaimage national ?

On ne peut pas créer des CAE culture n’importe où et n’importe comment, c’est un modèle spécifique et Artenréel est un bon modèle initiateur, qui peut se nourrir des expériences des autres CAE grâce aux groupes de recherche qui travaillent sur le perfectionnement de ce modèle. Il faudra se poser la question de l’essaimage sur des secteurs moins urbanisés. Une CAE artistique nécessite une densité d’acteurs pour faire sens, c’est plus délicat en zone non urbaine. L’expérience du département culture dans la CAE généraliste Chrysalide dans le Finistère est intéressante à suivre, et sans doute à étudier de près.

Actuellement, il y a deux types d’essaimage issus d’Artenréel :

  • la création de CAE art et culture à Paris avec CLARA et à Orléans avec Artefacts,
  • la création de département culture au sein des CAE généralistes existantes comme c’est le cas à Marseille et à Quimper.

ll y a une différence entre ces deux modèles. Il me semble qu’il est plus difficile lorsqu’il s’agit d’un département culture de jouer un rôle moteur dans le développement de l’activité artistique et culturel d’un territoire, ce qui me semble pouvoir être le cas – comme Artenréel à Strasbourg – lorsqu’une CAE à part entière s’implante sur un territoire.

Pourquoi alors, y a-t-il si peu de CAE culture en France ?

D’une part, beaucoup d’artistes du spectacle vivant dépendent de l’intermittence et l’offre des CAE leur est moins alléchante. D’autre part, sur les territoires, la culture est toujours considérée comme un luxe, peu de régions y investissent sur les volets entrepreunarial et économique. Les activités dans ces CAE sont assez peu rémunératrices et la part de financement public doit de fait être importante tout comme la volonté politique, or ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Les CAE dédiées à la culture doivent être financées par les pouvoirs publics comme des structures moteurs du développement
culturel d’un territoire, et ce d’autant plus fortement en milieu rural. Mais les collectivités cherchent à internaliser, et cela gèle les initiatives.
Il faudrait organiser des états généraux de la création d’activités culturelles et artistiques sur les territoires, je suis disposé, accompagné par Stéphane Bossuet à proposer aux associations des régions et départements français. Chiche !

Pour en savoir plus :

www.cooperer.coop
www.avant-premieres.coop
www.babilotte.fr